« (…) le génie est un regard naïf, sans préjugé et décapant, porté sur la réalité du monde. »
Pour Sarah Galante, ce génie est propre à l’enfant.
A cet état de grâce innocent et spontané, qui fait de l’Enfance un Univers magique, dont on se souvient avec nostalgie.
Une fois adulte, ce monde nous semble condamné à jamais, impénétrable. On idéalise cette période de notre vie, comme si, plus jamais, nous ne pouvions à nouveau y pénétrer.
Mais la quête de cette artiste est d’en retrouver l’accès et d’y emmener ses spectateurs…
Pour commencer, réapprendre à s’émerveiller devant des choses simples. Y déceler une beauté, un charme particulier.
Ensuite, passer des heures autour d’un détail. Le décortiquer à la loupe, avec patience et admiration. Chercher l’extraordinaire dans l’ordinaire…
Surtout, ne rien intellectualiser. Faire taire en soi l’adulte qui raisonne pour faire place à l’instinctif, aux intuitions, aux émotions.
« Tel petit chagrin, telle petite jouissance de l’enfant, démesurément grossis par une exquise sensibilité, deviennent plus tard dans l’homme adulte, même à son insu, le principe d’une œuvre d’art. »2
Peintre de l’intime, de l’infime, de l’éphémère, qui risque de nous échapper, Sarah Galante cherche la beauté dans la simplicité. Elle fixe les détails que nous ne prenons, souvent, pas le temps de voir, auxquels nous n’accordons plus, en grandissant, l’importance qu’ils méritent.
Par sa démarche, elle nous rappelle que seuls les « moments » comptent et que ce sont les petits riens qui font (un) Tout.
Il s’agit d’un témoignage de gratitude profonde. Une ode à la Vie et à ses cadeaux merveilleux.
Se perdre dans un détail, c’est « le commencement timide de la jouissance »3, selon Roland Barthes…
Blaise Pascal n’était pas en reste, quand il écrivait sur les vertiges de l’infiniment petit et de l’infiniment grand ; « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. »4
La peinture de Sarah Galante se veut un hommage, une vraie démarche d’humilité, face à toutes les merveilles qui nous entourent et nous dépassent.
Comme un enfant, qui garde tout comme un trésor, elle amasse souvenirs et éléments naturels insignifiants, elle les met en lumière et les porte à notre regard, pour nous inviter à la suivre.
Elle évite l’écueil de la peinture esthétisante. Elle ne choisit pas le sujet pour sa beauté, admise par tous. Non, elle nous force à nous pencher, à coller nos museaux au sol, sur la terre, là où ça grouille, là où ça pourrit. Elle nous dit de chercher une forme extraordinaire, là où nous n’avons pas l’habitude d’en voir. Et un végétal en décomposition devient un enchevêtrement de formes improbables et stupéfiantes…
« Je voudrais préserver ce qui est déjà en train de mourir », dit-elle.
En cela, son travail est voué à se mouvoir, au rythme d’une planète qui bouge sans cesse, des cycles d’une Vie qu’elle vénère, sans prétention…
Evelyne Hanse
1 : Charles Baudelaire, Les paradis artificiels, Livre de poche, 1972
2 : Charles Baudelaire, Les paradis artificiels, Livre de poche, 1972
3 : Roland Barthes, Sollers écrivain, Seuil, 1978
4 : « Pensées », Blaise PASCAL, Ed. Hatier, Paris